«J’ai fait le tour du monde grâce à mes élèves»: cette prof pionnière de la francisation à Québec prend sa retraite après plus de 25 ans à enseigner à de jeunes immigrants

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La cloche sonnera pour une toute dernière fois à la fin juin pour Ginette Messier, qui a passé plus de 25 ans dans les écoles de Québec à enseigner le français à de jeunes immigrants, à qui elle a permis de prendre racine dans leur pays d’adoption. 

Maryna Karpenko, qui est d’origine ukrainienne, ne parlait pas un mot de français en 2014 lorsqu’elle a mis les pieds pour la première fois à l’âge de 14 ans dans la classe de Mme Ginette, à l’école secondaire Jean-de-Brébeuf à Limoilou.

«Pas seulement moi, mais tous les élèves disaient que c’était la meilleure prof. Elle était toujours à l’écoute et tellement intéressante. On lisait sur l’histoire du Québec, sur la littérature. C’est grâce à elle que j’ai connu la culture québécoise», raconte Maryna, qui s’exprime dans un français impeccable.

«Elle crée des liens incroyables avec ses élèves et leur famille», ajoute une collègue enseignante, Mélissa Dumontier.

Un coup de foudre

Mme Ginette a eu le coup de foudre pour la francisation en 1997, lors de son premier contrat auprès de jeunes immigrants, après avoir enseigné le français au secondaire au programme régulier.

«Je suis tellement tombée en amour avec cette clientèle-là, raconte-t-elle. On les prend en charge quand ils ne peuvent même pas dire bonjour et ensuite, de les voir évoluer… c’est tellement gratifiant.»



Ginette Messier


Photo Stevens LeBlanc

Les familles sont aussi extrêmement reconnaissantes, ajoute-t-elle. Pendant l’entrevue avec Le Journal, la mère d’une élève d’origine colombienne est d’ailleurs venue lui offrir un cadeau, pour la remercier notamment des démarches qu’elle a faites afin que le père obtienne son statut de réfugié, après un refus.

Le tour du monde grâce à ses élèves

Mme Ginette se trouve quant à elle bien chanceuse d’avoir pu côtoyer ces jeunes au quotidien. «J’ai fait le tour du monde grâce à mes élèves», lance-t-elle.

L’enseignante, qui a commencé à faire de la francisation à une époque où Québec était «très blanche et catholique», a connu les différentes vagues de réfugiés qui affluaient selon les conflits, à commencer par les Bosniaques dans les années 90, qui ont été suivis des Népalais, des Colombiens et maintenant de plusieurs familles d’origine africaine, notamment.

Malgré les besoins immenses, Mme Ginette a dû attendre une quinzaine d’années avant d’obtenir sa permanence en francisation. «À l’époque, on pensait que l’immigration, c’était momentané. Mais ça n’a jamais arrêté», lance-t-elle.

Les services offerts aux élèves immigrants se sont aussi développés, au fil des ans. Aujourd’hui, leur intégration se fait de façon beaucoup plus naturelle dans le milieu scolaire, souligne l’enseignante.

Les défis demeurent toutefois grands au quotidien, puisqu’enseigner en francisation exige une bonne dose d’adaptation. Au début juin, alors qu’il ne restait qu’une dizaine de jours d’école, Mme Ginette a accueilli une nouvelle élève dans sa classe qui ne parlait pas un mot de français, alors que les autres élèves apprenaient le subjonctif présent.

«On recule le train, on l’embarque et on repart», affirme l’enseignante en riant.

Une «tannante» devenue prof

Grâce à son ancienne élève Maryna, qui vient de terminer des études en commerce à l’Université McGill, Mme Messier recevra à la fin juin un prix de la Fondation Loran, qui vise à récompenser les enseignants dont le soutien a profondément influencé le développement de ses élèves.

Maryna Karpenko, qui est elle-même boursière de la Fondation Loran, a tout de suite pensé à son ancienne enseignante de francisation pour la remise de ce prix. «Elle représente beaucoup pour moi», dit-elle.

Lorsque la cloche sonnera pour une dernière fois, à la fin juin, Mme Messier en profitera pour faire une petite «fiesta» à la maison, dans sa cour, entourée de ses élèves.

L’enseignante sait déjà que l’énergie des ados lui manquera, cette énergie propre à la jeunesse qui reste la même, peu importe le pays d’origine, la langue ou les décennies qui se succèdent. «Ce sont les mêmes ados, depuis toujours», lance-t-elle.

Et qui sait où la vie les mènera. Adolescente, Ginette Messier n’aurait d’ailleurs jamais pensé que «la tannante à l’école» qu’elle était deviendrait un jour enseignante, et encore moins pendant trois décennies.

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