Jeffrey Langlois n’est peut-être pas mort immédiatement après la collision provoquée par un chauffard en août 2019, mais les trois années d’horreur indigne qu’il a endurées avant que ses proches ne le laissent partir militent pour une sentence sévère, a plaidé mardi le ministère public aux observations sur la peine à imposer à Pierre Hoffmann.
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L’homme de 52 ans avait été reconnu coupable de conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions en décembre dernier. Le chauffard, qui avait déjà un antécédent à son actif, a provoqué un face-à-face au petit matin le 18 août 2019, sur la route Monseigneur-Bourget à Lévis.
Le conducteur de l’autre voiture, Jeffrey Langlois, avait été si grièvement blessé qu’il a fini ses jours trois ans plus tard, dans un état végétatif, en CHSLD. Deux de ses amis avaient aussi été blessés dans la collision.
Photo d’archives, Agence QMI
«Les circonstances de la mort de mon frère sont inhumaines», a témoigné mardi Lindsay Pelletier, la sœur de la victime. «Je ne lui souhaiterais même pas ça à lui», a-t-elle ajouté en pointant vers l’accusé.
Selon la procureure au dossier, Me Anne-Frédérique Coulombe, les lésions «si importantes qu’elles ont rendu Jeffrey Langlois prisonnier de son corps» militent pour l’imposition d’une peine de sept ans de pénitencier. Une telle sentence se rapprocherait de celles imposées dans des cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
Photo Pierre-Paul Biron
Témoignage poignant
La mère de la victime s’est courageusement adressée au tribunal pour expliquer au juge ce qu’aura été la vie de Jeffrey après avoir croisé la route de Pierre Hoffmann.
Une existence plus près de la mort que de la vie, a plaidé la procureure.
La victime Jeffrey Langlois en compagnie de son père, Martin, au CHSLD de Saint-Gervais.
Photo courtoisie
Si les parents de la victime avaient insisté pour tout essayer, le 24 décembre 2021, Céline Pelletier a compris qu’elle ne retrouverait jamais son fils.
«En arrivant [au CHSLD], il était dans son fauteuil roulant dans le corridor, en jaquette d’hôpital, sa couche débordait, il mangeait sa jaquette et il hurlait de douleur», s’est rappelée en pleurant Mme Pelletier, parlant des souffrances qu’endurait Jeffrey en raison de ses blessures.
Ses fractures de la mâchoire lui causaient tellement de douleurs que les médecins ont suggéré à sa mère de lui acheter un jouet pour chien afin qu’il puisse mordre.
«Pouvez-vous imaginer ce que ça fait d’aller à l’animalerie acheter un anneau de chien à son fils?», a témoigné la femme de 51 ans.
Jeffrey Langlois est décédé à 29 ans, le 24 mai 2022, trois ans après qu’un accident de la route causé par l’alcool lui ait tout pris.
On le voit ici au CHSLD de Saint-Gervais, où il était visité régulièrement par son père Martin Langlois et sa mère Céline Pelletier (sur la photo).
Il devait mordre régulièrement dans un anneau en caoutchou fait pour les chiens pour soulager sa douleur à la machoir.
Photo courtoisie
Photo courtoisie
C’est en mai 2022 que les proches ont accepté de stopper son gavage après une rencontre avec le médecin traitant, une travailleuse sociale et le comité éthique du CISSS.
«Je lui ai demandé: “Est-ce que tu veux qu’on arrête les soins et qu’on te laisse aller?” Pour la première fois depuis qu’il était au CHSLD, il m’a regardé droit dans les yeux et a fait signe de la tête», a raconté Céline Pelletier. «C’est là qu’on a pris la décision.»
Quatre ans pour la défense
L’avocat de la défense, reconnaissant qu’il était «difficile d’imaginer des lésions pires» que celles de la victime, a plaidé pour l’imposition d’une peine de quatre ans pour son client.
Me Félix-Antoine T. Doyon a notamment reconnu que les facteurs aggravants au dossier étaient «nombreux».
D’ailleurs, Pierre Hoffmann a plaidé coupable mardi à un bris d’ordonnance pour avoir consommé de l’alcool alors qu’il lui était interdit de le faire durant le processus judiciaire. Les policiers avaient été appelés chez lui pour une plainte de bruit et ont trouvé le chauffard «fortement intoxiqué».
Pierre Hoffmann, lors des observations sur la peine à lui imposer le 7 mai 2024 au palais de justice de Québec.
Capture d’écran TVA Nouvelles
«J’avais bu de la 0,5, qui est désalcoolisée, mais ça l’air que c’est pas correct ça non plus», a simplement mentionné l’accusé, qui a choisi de ne pas s’adresser à la cour outre mesure mardi.
«Il n’a aucun remords. Il est incapable de nous dire qu’il a fait de quoi de mal. C’est épouvantable», déplore Martin Langlois, le père de Jeffrey.
Le juge Pierre-L. Rousseau doit prononcer la peine en octobre.
Une fin tragique, inhumaine
«Ce que mon fils a vécu, c’est pire que la mort» – Martin Langlois, père de Jeffrey Langlois
«On s’est dit que ça allait être moins souffrant de vivre cette mort atroce là que de continuer à vivre. Il était prisonnier dans son corps. En fait, il subissait la vie» – Céline Pelletier, mère de Jeffrey Langlois
Céline Pelletier et Martin Langlois, parents de Jeffrey Langlois.
Photo d’archives, Dominique Lelievre
«Le lien de causalité est factuel et non juridique, peut-être, mais la mort de Jeffrey Langlois et la collision sont liées. Factuellement, l’état dans lequel il était s’apparente plus à la mort» – Me Anne-Frédérique Coulombe, procureure de la Couronne.
«Son état de conscience était minimal, végétatif. Il était dans une chaise roulante, avec de courtes périodes d’éveil, les contacts l’épuisaient, il ne pouvait pas communiquer efficacement, on comprenait mal s’il avait des douleurs, des souffrances ou de la peine» – Dre Catherine Castonguay, médecin traitante de Jeffrey Langlois
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